HAHAHA.
Je suis tombée un peu par hasard sur les premières pages d'un livre qui m'ont beaucoup faite rire, déjà parce qu'il est écrit à la deuxième personne, ensuite pour le ton ultra fataliste de l'auteur, un normalien, ancien élève d'une B/L en région parisienne qui raconte ses deux années de prépa. Je ne sais pas dans laquelle il était mais à le lire on pourrait croire qu'il met les pieds dans la maison de la famille Adams, le fun en moins. Ou qu'il a signé pour un BTS croque-mort plutôt que pour une hypokhâgne B/L. Je comprends bien qu'une prépa ne soit pas le pays des bisounours, mais quand même...!
Dans le premier paragraphe, déjà, on trouve :
"Vous avez connu les plaisirs de la plage. Les couchers de soleil. Vous etiez conscient que bientôt ils vous manqueraient et que vous regretteriez cette vie insouciante qui avait été la vôtre jusqu’alors. Sable. Sieste. Soirée. L'été est passé."
Ok. Ca passe encore, moi-même je me sens un peu nostalgique de mon oisiveté alors que je suis encore en plein dedans, le pire est à venir :
"Le véhicule roule inexorablement vers sa destination et vous êtes à bord. Vous ne savez pas ce qui vous a poussé à faire ce choix. Choix incertain mais possible. Il est des décisions qui dévorent une vie. Votre main tremble quand vous feuilletez la brochure que vous a envoyée l’établissement. Vous voudriez déjà la refermer, mais une force confuse vous retient. Plus vous la parcourez et plus vous vous dites que ce n’est pas pour vous. Vous n’êtes pas fait pour ça. Et pourtant il est trop tard."
Quelle tension dramatique (!) , n'est-ce pas ?
"Vous découvrez l’internat qui se situe au second étage du vieux lycée. Vous longez ses parois décrépies et ses murs ternes jusqu’à votre chambre."
Il y a ici un message caché : n'allez pas dans une prépa. Il y fera sombre, humide, les lieux sont tout à fait insalubres et, telle une épée de Damoclès, des pans de murs entiers menaceront à tout moment de se détacher pour vous écrabouiller.
"Vous vous tournez sur votre gauche et contemplez le lit. Votre premier mouvement est de vous y laisser tomber. Est-il confortable ? Vous vous attendiez à des strates moins rigides. Heureusement, un ancien occupant a pris soin de déposer sur le sommier une planche de bois qui rend le tout moins flasque."
Message : même votre lit d'internat vous sera hostile, mais si vous êtes chanceux, les bricolages précaires d'anciens tôlards faciliteront votre confort.
C'est drôle, dans les prépas sur APB, ils proposent pas Alcatraz.
"Vous vous dirigez alors vers le dernier élément de votre nouveau foyer : un petit lavabo crasseux dissimulé derrière l’armoire. L’eau qui y coule est un peu jaune. Vous ne la boirez pas. Vous retournez au centre de la salle. Combien de générations d’étudiants ont-elles déprimé dans ces murs ? Combien ont rêvé de se pendre au néon qui immerge la pièce dans une lumière glaciale ? (Youhou !!) Vous regardez votre chambre d’un regard inquiet. Cette laideur environnante est nouvelle pour vous. Et vous devrez pourtant y vivre. La demeure maternelle est désormais lointaine, et pour toujours. Vous êtes seul. Seul face à cette armoire qui vous regarde d’un air triste."
Si même l'armoire s'y met...
"Mais il va falloir vous lever le lendemain et combattre. Vous vous couchez. Mais vous ne dormirez pas."
Pourquoi ? Y'a une rediff des Choristes sur la 2 ?
"Personne ne se parle. L’heure est trop grave, trop lourde. Bientôt les grilles du lycée sont ouvertes et les arbres laissent apparaître une foule de jeunes gens hagards qui remontent en silence l’allée conduisant aux salles de classe. Seul au milieu de cette marche funèbre, vous vous sentez perdu. On enterre votre enfance !"
C'est drôle, j'ai toujours vu les rentrées comme un jour plutôt sympa, où on fait des rencontres, où on a encore l'oeil vif et l'air enjoué. Je me serais donc trompée...?
"Votre professeur de mathématiques vous explique que vous êtes ici pour préparer un concours. Vous avez choisi une filière qui vous demande de pratiquer la philosophie comme l’histoire ou les sciences sociales. Vous devrez exceller partout pour réussir. Travail. Devoir. Sélection. Seul, vous n’y arriverez pas. Vous devez travailler avec les autres. Vous préparez un concours, mais ensemble. Et le maître de conclure : « Toutefois, à la fin de l’année, seulement la moitié d’entre vous passeront en khâgne. » Seule une trentaine d’élèves seront sélectionnés et admis en année supérieure. En une phrase, l’enseignant vient de créer la tension qui marquera les dix mois suivants."
Voilà voilà voilà...
"Le plaisir du repas est un des rares qu’il vous reste. Mais cela, vous ne le savez pas encore. La nourriture est immangeable. On vous avait prévenu. Mais vous, vous avez faim. Très faim. Alors vous mangez. Il vous arrivera parfois dans les mois d’hiver d’apprécier la soupe du chef ou les salsifis à l’eau. Mais ce ne sera pas suffisant pour donner du sens à vos journées."
On nous a donc menti ! Prépa = Kolkhose, en fait..
A propos les listes de lecture gentiment offertes par les profs : "Vous êtes encore innocent. Mais, bientôt, vous craindrez ces terribles listes."
T'inquiète pas : pour ma part je les crains déja, mais je vais survivre, hein ?
A propos de son prof d'SES : "Il présentera le programme. Et ses exigences. Et la méthode. Et l’épreuve. Mais déjà, c’en est trop ! Vous saturez"
Le jour même de la rentrée, il sature. Et ce garçon va quand même finir normalien, hein. Il s'en est pas trop mal sorti pour quelqu'un d'absolument révulsé par la prépa.
Et ce livre de s'appeller N'oubliez pas de vivre. Hahaha ?
Personnellement, je rentre dans une grande prépa parisienne, dans une filière super interessante, et je l'ai voulu. La rentrée, c'est dans 3 jours. Je n'irai pas avec le teint cireux et les yeux larmoyants, comme on enterre son poisson rouge. En fait je suis assez pressée d'y être, ça me fait un peu peur bien sûr, mais ça a aussi quelque chose de super stimulant. Je suis sans doute pas super prête pour entrer en prépa, mais je vais m'y faire. Je vais certainement avoir des "moments sans", j'aurai certainement le besoin humain de me plaindre de temps en temps, je ne pourrai pas m'éclater jour et nuit 7/7j, mais je jure solennellement que j'essaierai, et qu'à aucun moment je ne prendrai un ton aussi déprimant. C'est tellement hypocrite de faire sa mijaurée après avoir atteint quelque chose qu'on a autant voulu.